Cela fait un petit moment que j'ai envie d'écrire un article pour parler de façon plus approfondie du travail d'écriture que nous pratiquons dans la classe. Malheureusement, le temps me fait souvent défaut en ce moment!
Si je souhaite refaire un article sur ce sujet, c'est que les choses ont évolué depuis le tout premier article, et nous allons aujourd'hui encore plus loin dans cette discipline avec les élèves qu'il y a quelques années.
PETIT RAPPEL
Rapidement, je voudrais rappeler le principe de l'atelier d'écriture tel qu'il est pratiqué dans ma classe :
- Tous les élèves bénéficient d'une mini-leçon d'environ 10/15 minutes pendant laquelle nous abordons des points précis permettant de renforcer leurs compétences en écriture (voir plus bas, dans la section "développer des techniques d'écriture")
- Ils ont ensuite entre 30 et 40 minutes de temps d'écriture autonome, pendant lequel ils travaillent de façon individuelle ou à plusieurs sur un texte de leur choix. Ils choisissent eux-même le sujet ou thème sur lequel ils ont envie d'écrire, et déterminent le format : fiction ou non-fiction (généralement documentaire, mais cela peut-être aussi de la poésie par exemple.)
Ils savent comment trouver des sujets puisque nous avons travaillé cela durant la première période dans le cahier d'écrivain (voir ici pour plus d'informations.)
- Enfin, nous nous retrouvons tous sur le tapis pour faire un point sur notre expérience d'écriture. En général les témoignages fusent, et ils sont plutôt très positifs.
Pendant le temps d'écriture autonome, je reçois mes élèves individuellement pour les aider à progresser dans leur texte, en les guidant et leur donnant un seul objectif à travailler pour la fois suivante.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce fonctionnement, vous pouvez aller lire d'anciens articles sur le sujet : petit aperçu de l'atelier d'écriture, mise en place sur l'année et faire évoluer son atelier d'écriture.
QUELQUES ELEMENTS
Je vais maintenant essayer d'expliquer ce qui, selon moi, fait que l'atelier d'écriture fonctionne au-delà de mes espérances, rend mes élèves heureux, quel que soit leur niveau de départ, leur donne des bases en terme de structuration de l'écrit et les fait incroyablement progresser.
Voici donc quelques éléments de réponses !
Dans la classe, pendant l'atelier d'écriture, les élèves :
1) DEVELOPPENT LEUR AUTONOMIE
C'est le premier point, qui est commun à tout ce qui est mis en place dans la classe de façon générale. L'autonomie est le tout premier objectif que je me fixe en début d'année, le deuxième étant le plaisir de venir en classe le matin. Bien entendu, je me charge du côté pédagogique et didactique!
Les élèves sont autonomes principalement dans le choix de ce qu'ils veulent travailler : ils sont libres d'écrire sur ce qui leur fait plaisir, quel que soit le sujet ou le thème, et également de choisir s'ils souhaitent s'orienter vers un documentaire (souvent plus facile pour les élèves les plus en difficulté) ou une fiction (beaucoup plus complexe à travailler).
Les élèves ont à leur disposition des petits guides que j'ai créés pour eux (voir ici pour le documentaire et là pour la fiction) et qui leur permettent d'apprendre à structurer/plannifier leur texte. Ils se servent tout seuls dans le grand classeur de la classe (voir photo ci-dessous).
2) LES ELEVES SONT MOTIVES
Une des raisons qui m'a fait changer ma manière de travailler l'écrit en classe est la motivation des élèves. C'est absolument incroyable de voir à quel point ils sont contents d'écrire. Il m'arrive très régulièrement d'avoir des élèves qui m'envoient leurs textes par mail pendant les vacances (et ce, encore une fois, quel que soit le niveau ou le milieu d'origine des élèves) sans que je ne leur demande quoi que ce soit. Ce matin encore, à l'issue de l'atelier, j'ai eu plusieurs élèves qui m'ont demandé s'ils pouvaient emmener leur texte à la maison pour le travailler... et là encore, il ne s'agit pas forcément des élèves les plus à l'aise à l'école.
Lorsque nous faisons le bilan de l'atelier d'écriture, je pose toujours cette question à mes élèves : "comment avez-vous ressenti le travail que vous avez fait ce matin en écriture ?" Je suis toujours surprise de voir de nombreuses mains se lever et les commentaires très positifs fuser : "c'était trop court !" ou "c'est vrai ? Ca a duré une heure ? Mais j'ai eu l'impression que ça durait cinq minutes, ça ne passe pas aussi vite quand je suis à la maison !" j'en passe et des meilleures.
Attention, je ne dis pas que tout est parfait et que nous nageons dans le bonheur en permanence, mais c'est un vrai régal de voir ses élèves heureux de quelque chose qu'ils ont fait en classe ! Pour moi, l'école devrait être toujours comme ça : un lieu où l'on apprend des choses avec plaisir. Bien-sûr, ça n'est pas toujours possible, et je vous rassure, il y a aussi des moments dans ma classe où mes élèves ralent et s'ennuient, mais jamais au moment de l'atelier d'écriture. C'est un moment qui est attendu avec grande impatience, autant par eux que par moi.
3) SONT AU TRAVAIL
Comme ils sont motivés, les élèves sont naturellement au travail et, comme on l'a vu plus haut, ne voient pas le temps passer. La classe se transforme en une espèce de petite ruche où chacun vaque à ses occupations.
Il arrive parfois qu'un élève papillonne mais en général, c'est quand il se sent bloqué par quelque chose. Mon rôle est alors de le guider et de lui redonner ce petit quelque chose qui lui permettra de reprendre son travail.
Tout le monde est donc actif pendant ce temps d'atelier d'écriture. Lorsqu'ils n'écrivent à proprement parler, les élèves plannifient, recherchent, travaillent à deux ou tapent sur l'ordinateur.
4) TRAVAILLENT EN COOPERATION
Les deux principes de base de l'atelier d'écriture sont la différenciation et la personnalisation de l'activité. Pour autant, même si les élèves travaillent sur des textes qui leur sont personnels, ils n'en reste pas moins qu'ils échangent beaucoup entre eux : souvent ils vont lire leur texte à quelqu'un d'autre et sont à l'écoute des commentaires qui leur sont faits sur la fluidité, la syntaxe ou sur des difficultés de compréhension.
Ils peuvent également écrire un même texte à deux (avant cela ils doivent avoir produit au moins un texte tout seuls).
Enfin, il y a le moment tant attendu où, ayant "publié" leur texte, ils le lisent à haute voix devant les autres (sur la base du volontariat, voir cet article, mettre en valeur le travail d'écriture de ses élèves pour plus d'informations). C'est généralement un moment très riche d'échanges, pendant lequel les autres élèves font des critiques le plus souvent constructives (ce qui est également travaillé).
Donc même si les élèves travaillent individuellement sur leurs textes, il reste de grands moments d'échanges.
5) PROGRESSENT A LEUR RYTHME ET BENECIFIENT D'UN ENSEIGNEMENT PERSONNALISE
C'est tout l'intérêt de ce travail en atelier ! Certes la mini-leçon est proposée à tous, mais ensuite tous les temps d'entretiens sont personnalisés et individualisés.
Si j'ai face à moi un élève qui se débrouille plutôt bien, je vais l'inciter à aller encore plus loin. Si j'ai un élève plus en difficulté, j'aurai des objectifs plus modestes.
A chaque entretien (qui dure environ cinq minutes), je cible les objectifs et n'en donne qu'un seul, prioritaire, à travailler pour la fois d'après. Celui-ci est noté sur la fiche de suivi ce qui fait que, en relisant la fiche je regarde ce qui a été travaillé et passe à l'objectif suivant. Je mets toujours un petit mot positif sur l'évolution du texte et termine l'entretien en demandant à mes élèves s'ils ont des questions sur ce qu'ils ont à faire.
Cette manière de faire me permet de cibler au plus près les besoins de chacun. Certes, tout le monde ne progresse pas au même rythme, mais tout le monde progresse, en fonction de ses capacités.
6) OBSERVENT LE TRAVAIL D'AUTRES ECRIVAINS
Dans la classe, nous lions en permanence le travail d'écriture et celui de lecture. A tout moment, y compris pendant la lecture "offerte," nous nous interrogeons sur le travail de l'écrivain et la manière dont il conçoit son texte. Nous nous interrogeons sur l'utilisation d'un mot particulier, ou sur la place de tel personnage, sur la raison pour laquelle l'auteur nous laisse tel ou tel indice, etc.
Nous nous inspirons des techniques utilisées par les écrivains professionnels ou non pour écrire nos propres textes.
Par exemple, nous observons différents manuscrits afin que les élèves se rendent compte que les écrivains écrivent et réécrivent leurs scènes plusieurs fois, barrent des passages entiers, corrigent, etc. C'est important pour moi de leur montrer que J.K Rowling ne s'est pas assise un matin et a écrit "Harry Potter" en deux heures d'une seule traite, mais qu'il lui a fallu dix-sept ans pour venir à bout des sept ouvrages.
Extrait du manuscrit du livre "Harry Potter à l'école des sorciers" |
Le travail d'écriture est un travail de longue haleine, qui ne se fait pas en une seule fois mais qui demande du temps et de la patience !
7) DEVELOPPENT DES TECHNIQUES D'ECRITURE
De par ce travail d'observation et de questionnement sur les pratiques d'écriture, les élèves développent eux-mêmes des compétences dans ce domaine.
Lors de l'atelier d'écriture, ils apprennent notamment à :
- éliminer des problèmes de syntaxe, fluidité, vocabulaire, répétitions, etc. en lisant leur texte à haute voix, soit à eux-même, soit à un camarade ;
- remplacer les mots dits "faibles" (par exemple les "dit untel" dans les dialogues) par des mots plus forts et précis et ainsi éviter les répétitions (il est intéressant de s'armer d'un surligneur et marquer visuellement ces mêmes mots répétés pour que les élèves se rendent compte du phénomène. En général ils n'en reviennent pas!) ;
- écrire des dialogues en respectant les conventions d'écriture, créer des paragraphes, organiser leurs idées, enrichir leurs textes en ajoutant des détails (plutôt que l'inverse), utiliser des verbes d'action, rédiger une introduction en trois parties, une conclusion, des transitions entre les paragraphes, écrire des phrases d'accroche, auto-évaluer son travail, etc.
- plannifier leur écriture, en commençant "petit" et en développant leurs idées au fur et à mesure, tout en gardant une structure. Ils organisent leurs textes en parties, (un paragraphe par idée par exemple), à chapitrer, à écrire le "squelette" de leur histoire en sachant avant de commencer à rédiger quelle en sera l'issue.
Il arrive cependant que certains enfants ne se retrouvent pas dans la démarche de plannification et structure préalable et préfèrent fonctionner différemment ; cela m'est arrivé notamment ce matin, avec un élève qui se sentait bloqué et contraint par mes fiches-guides et dont je savais pourtant qu'il était pourtant capable d'écrire de longs textes.
Je lui ai donc proposer de fonctionner différement, d'écrire son texte sans structure et de le structurer par la suite, une fois la trame écrite.
POUR ALLER PLUS LOIN
J'aimerais maintenant aller encore plus loin et créer une plus grande émulation encore autour de l'écriture. Je pense notamment me lancer vers la création de petits challenges d'écriture (écrire en un temps donné, raconter une histoire en cent mots seulement, mettre en place une "guerre des mots," c'est-à-dire écrire le plus grand nombre de mots (racontant une histoire, bien-sûr) en un temps donné, etc.
Tout ça pour donner encore plus le goût d'écrire à mes élèves !
J'espère en tout cas que cet article vous permettra de mieux cerner les attentes et ambitions que l'on peut avoir dans l'enseignement de l'écriture ! Et si vous le souhaitez, vous pouvez aller lire mon article sur l'atelier d'écriture dans les Cahiers Pédagogiques de ce mois de novembre !
Super travail !
RépondreSupprimerJe me suis beaucoup inspirée de ton travail l'année dernière quand je découvrais le cycle 3 (en triple niveaux !).
Cette année, je suis ZIL, mais je garde tout ça sous le coude pour la suite. Ça donne envie de retrouver le cycle 3 très vite.
Merci de partager tout ça.
Sonia
Merci beaucoup ! :)
SupprimerJe ne me suis pas encore lancée, mais ça donne envie ... Et j'adore cette idée de leur montrer le travail d'un écrivain.
RépondreSupprimerMerci !
De rien ! Surtout, il ne faut pas hésiter à se lancer, ça fonctionne vraiment très très bien ! :)
SupprimerSuper travail ! Merci
RépondreSupprimerMerci beaucoup! :)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerça tombe bien que tu aies écrit cet article, je me posais des questions sur l'évolution à donner à mon temps de production d'écrit.
J'ai un CP-CE1 et tous les matins, on passe 30 à 40 minutes à écrire et dessiner. On a un mur des mots, une affiche avec les mots outils, les couleurs qui nous aident bien pour les sons complexes... tout un tas de référents. On a une liste de sujets possibles.
Je vois qu'ils ont évolué, même si un certain nombre en sont encore à coder difficilement, comme tu le dis, ils adorent ce moment. Hier, deux avaient sortis leur carnet pendant l'accueil!
Ce qui m'a beaucoup aidé, outre ton blog, ce sont les livres de Nadon, et les 40 minis-leçons d'écriture qui décrivent les différents stades d'apprentissage. Ça me donne des repères et je culpabilise moins. Je sais que c'est normal qu'ils en soient à des stades différents. Mais c'est tellement différent de tout ce qui est proposé en France!
Je n'ai pas encore trop fait de mini-leçon systématique, et je sens qu'il va falloir que je m'y mette, le terrain est prêt, et organisé aussi mes entrevues. Je fonctionne à la demande actuellement, ce qui a fait que j'étais passé à côté de plusieurs élèves, que je n'ai quasiment pas vus...oups.
Il faut que je m'organise!!!
Merci en tout cas de venir nous parler de l'évolution de cet atelier dans ta classe. Ta prose est toujours très claire et stimulante pour moi.
Magali
Bonsoir Magali!
SupprimerMerci pour ton message très intéressant. Tu dis quelque chose de très important : on a tendance à avoir peur de se lancer dans du travail différencier, parce qu'on culpabilise de ne pas apporter la même chose à tout le monde. Mais en travaillant de façon différenciée, on s'adapte aux besoins de chacun! Il est très difficile de comprendre complètement tout ce qui se rattache aux ateliers de lecture et d'écriture, en terme d'interactions entre les élèves et l'enseignant, et même entre élèves. C'est aussi difficile de décrire le climat de classe. Et une chose est sûre, on met du temps à se détacher d'anciennes pratiques, et de peurs que l'on peut avoir concernant les progrès des élèves. Pour les mini-leçons, c'est normal, moi non plus je n'en faisais pas énormément au départ, mais ça vient après, avec l'habitude et aussi ce que l'on remarque du travail de ses élèves. On apprend à mieux repérer leurs besoins, et globalement, ce sont toujours les mêmes choses qui reviennent donc ça devient plus facile. Il faut juste poursuivre le travail, et être tolérant avec soi-même, ce qui est parfois le plus difficile! But you can do it! :)
Merci pour cette piqure de rappel! Mais qu'est-ce que c'est dur de "lâcher prise"!
RépondreSupprimerC'est toujours un bonheur de te lire, continue de nous régaler!
Merci c'est gentil! :)
Supprimerun grand merci, je vais me lancer après les vacances, mais pour l'instant en groupe classe , j'ai encore peur de me lancer avec les entretiens individuels même si j'ai conscience que c'est essentiel pour le progrès des élèves.
RépondreSupprimerje compte tout d'abord utiliser tes doc pour structurer son texte fiction.